Etre tout yeux tout oreilles

Après une longue attente dans la file, elle arriva enfin dans la salle. Elle ressentit sa petitesse en passant devant l’immense écran, compta les marches aux arrêtes lumineuses, et savoura le moelleux des fauteuils rouges après avoir trouvé sa place. Une place choisie avec stratégie, ni trop loin, ni trop près, afin d’être aspiré dans l’écran toute entière. Les lumières s’éteignirent.

Elle sentit le croustillant, l’odeur et le goût des pop-corns qu’on commence à manger dès le défilé des bandes annonces. Alors, l’impatience de s’évader, de quitter la réalité pour accompagner les personnages, vivre avec eux leurs péripéties, ressentir leurs émotions, raisonner et réfléchir à ce qui leur arrive et à ce qu’ils peuvent faire la transportèrent. Les aiguilles de l’horloge tournèrent. La fin du film était imminente. Les lumières se rallumèrent. Une unique question lui venait à l’esprit : comment puis-je savoir si ce film est réussi?

Elle n’y connaissait rien au cinéma. Elle semblait sourde et aveugle.

Etre tout yeux tout oreilles, 2018, Charlotte Morabin

Charlotte Morabin