MONSIEUR

J'ai mis en cage l'impossible,

Les vieux rouages, tout le visible,
Un peu de rage, les jours pénibles,
Le sang d'une page, le cri d'une cible.
J'ai traversé tellement de guerres,
Et j'ai reçu tellement de pierres,
Que dans ma tête une carapace,
Est venue trembler à ma place.

Monsieur, monsieur, j'ai peur de tout, de l'oiseau bleu, de l'oiseau fou,
Monsieur, monsieur, j'ai peur de vous, de votre tendresse à mes genoux.

L'amour c'est quoi, l'amour c'est où ?
Et le baiser, ça fait des trous ?
Monsieur, monsieur ne touchez rien,
Jetez vos lèvres dans le jardin,
Je suis farouche comme une reine,
Pétrie des glaises de la haine,
J'ai réchauffé quelques hivers,
J'ai salué souvent l’enfer,
Vous me parlez des fleurs du rire.
Alors que j'ai croqué le pire.
Vous me montrez votre soleil,
Quand je n'ai jamais vu le ciel.

Monsieur, monsieur, j'ai peur de tout, de l'oiseau bleu, de l'oiseau fou
Monsieur, monsieur, j'ai peur de vous de votre tendresse à mes genoux.

Dans mes contrées de froideur,
Y'avait des défricheurs de coeurs,
Le cœur valait moins qu'une salade,
Que l'on semait comme une boutade.
Chez moi, y'avait pas d'embrassades,
On recevait des estocades
Comment guérir de mes bravades,
par vos gentilles petites pommades,
Comment recevoir vos aubades,
Sans croire qu'elles sont fanfaronnades.

Monsieur, monsieur, j'ai peur de tout, de l'oiseau bleu, de l'oiseau fou

Monsieur, monsieur, j'ai peur de vous, de votre tendresse à mes genoux.

Monsieur, 2018, Charlotte Morabin

Charlotte Morabin