Voyage

Je n’ai jamais su pourquoi c’était celui-là et pas un autre. Mais il me plaisait. Ses traits, sa discrétion et son teint. 

Il est arrivé si vite dans ma vie, comme un « Bonjour madame comment-allez vous? » 

Les premiers moments n’étaient pas si évidents entre nous, craintive avec peu d’endurance j’étais. Je suis restée un temps crispée, agrippée au tissu pour concentrer ma douleur autre part, tandis qu’il venait s’introduire en moi de plus en plus. Mon souffle se réduisait et je voyais battre dans mes veines, le rythme de mon coeur s’accélérer. Son empreinte était indélébile: impossible d’oublier cette première fois. J’étais confuse, à la fois gênée et fière de l’avoir à mes côtés. Il n’aimait pas le soleil, alors que je rêvais de goûter au plaisir de cet instant immobile, exposée à ces rayons chauds sur la plage. Je patienterai me suis-dis je et il viendra bientôt avec moi. 

Je voulais de la nouveauté, et qu’on puisse poser un nouveau regard sur moi lorsqu’on s’exposerait ensemble. J’ai voulu le présenter à tous, vanter ses mérites et raconter son histoire.

Mais un jour, assise sur le rebord de la baignoire, je le l’ai effleuré de mes doigts: il a commencé à disparaitre. Ses expressions se sont éteintes et grisées. J’étais impuissante. Mes efforts n’étaient pas assez grands pour éviter ce qui tendait à arriver. Le nourrir, prendre soin de lui, n’était plus suffisant. J’ai eu du mal à m’habituer de son absence, il m’était chevillé au corps et soudainement plus rien, plus une trace.

Mon tatouage avait disparu.

Voyage, 2019, Charlotte Morabin